Fille de chimistes, Mireille Berret – professeur de musique à l’Ecole Alsacienne  - a composé une formule sur mesure pour faire partager son enthousiasme, ses connaissances et sa curiosité aux enfants du JE jusqu’à la 7e.  Point d’orgue dans sa carrière, l‘opéra “Un Conte Breton”  a été  composé par Julien Joubert, à la demande d’Anne Postel Vinay (membre du CA) . Directrice artistique du projet,  elle dirige le choeur du Petit Collège et y  joue même de l’accordéon !  Pour ses 20 ans à l’Ecole Alsacienne - M. Berret nous donne l’occasion de revenir sur son parcours et de l’entendre sur sa conception de l’enseignement de la musique. Et ses rêves…

Par Philippe Le Faure

Élève de la classe de piano de Lucette Descaves, elle obtient le diplôme d’enseignement à l’Ecole Normale de Musique de Paris, où elle débute sa carrière auprès de jeunes élèves. Passionnée de pédagogie, elle n’a de cesse de faire progresser ses compétences et son envie de transmettre (formation aux « méthodes actives », diplôme de pédagogie musicale Willems, certificat Jacques Dalcroze). Dans un même élan, l’Ecole Alsacienne la soutient dans ses objectifs, finançant ses formations auprès d’ateliers de MEAO (Musique Electroacoustique Assistée par Ordinateur) en collaboration avec le Groupe de Recherches Musicales. Elle est désormais aux manettes du logiciel Pro Tools et réalise de nombreuses créations sonores et bande-son pour les spectacles du petit collège. La création de chansons pour enfants est son jardin personnel (elle a même gagné en juin 2004 un concours de création de chansons organisé par le WWF) . Toujours à l’affût et à l’écoute, elle suit par ailleurs des ateliers d’improvisation musicale…

APEEA :  Pensez-vous que l’apprentissage de la musique soit une chance dans le développement de l’enfant ou du jeune ?

Mireille Berret: A mon sens, c’est une nécessité. De nombreuses études prouvent que les enfants qui bénéficient d’une formation musicale répondent mieux à la mise en place des apprentissages fondamentaux, comme lire, écrire, compter. En développant l’écoute et l’ouverture aux sons, la musique favorise la perception des langues étrangères, la tenue corporelle, l’organisation par le rythme, l’invention, le plaisir dans la rigueur, la découverte des autres, le jeu instrumental personnel intégré dans le collectif musical. Des valeurs essentielles qui rejoignent une autre dimension très bien captée par les enfants : c’est qu’il y a autre chose que la vie matérielle et quotidienne.

APEEA:  Quels sont, selon vous, les principaux obstacles, le cas échéant, à ce développement ? Poids culturel ? Inertie des structures, etc. ? Et comment, dans votre pratique, tentez-vous de les franchir ?

Mireille BerretJe dirai surtout le manque de temps donc d’approfondissement des connaissances, qui est lié au manque de valorisation de l’éducation musicale en France. En revanche, la propension de celle de l’immédiateté empêche les élèves d’accepter que les fruits de leur travail proviennent nécessairement d’un effort régulier et lent. La faveur qui va à l’individualisme, d’où l’intérêt des élèves pour les groupes rock et la musique de chambre dans lesquels s’affirment les talents, mais moins dans un rituel collectif de rassemblement musical . Faut-il suivre cette évolution ? Enfin et surtout l’univers culturel proposé relayé les médias dont les jeunes ne peuvent faire abstraction dans leur processus d’identification (comment s’identifier à d’autres démarches artistiques lorsqu’aucune préparation ou formation n’a été faite dès le plus jeune âge ?). C’est pourquoi je tiens à suivre le travail des élèves sur plusieurs années, en exigeant dès le plus jeune âge un effort et une régularité dans l’apprentissage (apprendre le répertoire de chansons, mémoriser des extraits d’œuvres, apprendre à écouter sans parler, etc.) et en récompensant par exemple l’étude d’une œuvre qui a demandé une année d’efforts d’écoute à un genre musical auquel ils ne sont pas habitués, par la projection d’un film (« L’enfant et les sortilèges » de Ravel, une chorégraphie de Jiri Kylian  pour les 10es, ou un film d’animation d’Isao Takahata, le réalisateur du « Tombeau des lucioles » sur la Symphonie Pastorale), ou une sortie au concert concrétisant l’étude d’une œuvre symphonique (Symphonie Fantastique pour les 8es).


APEEA : Quelles sont vos joies et quand pensez-vous avoir atteint vos objectifs ? Vos rêves ?

Mireille BerretMa joie est de voir qu’une méthode de travail a été assimilée par les élèves que je forme depuis le JE, qu’une sorte de « complicité » et de compréhension de l’univers musical s’est établie, que l’écoute est active et régulière, que leurs oreilles sont ouvertes aux langues étrangères et à tous les styles de musique, sans moqueries ni préjugés. 

Je suis heureuse lorsqu’un élève m’exprime sa surprise et sa joie de découvrir le bâtiment moderne de l’Opéra Bastille, car pour lui le mot opéra rime avec bâtiment classique et qu’il me fait des commentaires intéressants sur l’œuvre que nous avons étudiée et dont il voit la réalisation sur scène.

 Je suis heureuse lorsqu’un(e) élève me dit que c’est la première fois qu’il (elle) assiste à un concert classique.

Je suis heureuse lorsqu’un élève me redemande de chanter une chanson de notre répertoire, ou d’écouter encore une fois une musique découverte en classe. Un désir très positif et constructif.

Mes rêves sont les suivants :

Que la Musique à l’ Ecole Alsacienne devienne une institution dans l’institution, au même titre que l’Atelier Théâtre, qui a acquis cette place. Nous devons conquérir ce statut.

Que nous sachions faire apprécier les classiques et rendre attrayante la tradition tout en développant l’utilisation des nouvelles technologies.

Que l’informatique musicale trouve toute sa place dans l’enseignement musical, avec un lien suivi Petit Collège/Grand Collège.

Qu’il existe à l’Ecole un  « Laboratoire de Musique », un studio son, où les élèves manipulent et inventent de nouveaux langages pour la musique.

Que l’Ecole soit représentée pour les événements officiels par un grand chœur et un orchestre puissants.

Nous répondrons alors pleinement à la devise de l’Ecole : « Ad nova tendere sueta. »

(2009 & 2013)



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