Sur les réseaux sociaux :

quelques pistes de réflexion

 

 

Article rédigé par Etienne Li, commission Réseaux et Multimedia / Écrans de l’apeea (automne 2020)

Vous trouverez ici quelques pistes de réflexion pour orienter les bases d’un dialogue entre parents, enfants et éducateurs, notamment autour des inquiétudes et des règles nécessaires sur leur utilisation par les élèves du collège de l’École alsacienne.

De quoi parle-t-on ?

Selon un petit sondage non représentatif, par ordre décroissant d’utilisation chez les adolescents de l’École, on trouvera :

- Instagram

- Snapchat

- Tik Tok

- Twitter

- Whatsapp

- Discord

Mais on ne trouve pas (plus pour Facebook ou pas encore pour Linkedin) :

- Facebook (totalement délaissé par les millenials, il faut avoir au moins 25 ans pour y être)

- Linkedin (c’est le réseau des carrières professionnelles)

- Pinterest (…)

(NB : Youtube n’est pas considéré comme un réseau social mais il en a certaines caractéristiques et Twitch tend par ses fonctionalités (chat en direct) à supplanter Youtube comme la télé des adolescents).

Petite infographie des réseaux en juillet 2020 en France et dans le Monde (© agence tiz) :

Un bon article de presse pour commencer :

https://madame.lefigaro.fr/societe/les-parents-peuvent-ils-preserver-leurs-enfants-des-dangers-des-reseaux-sociaux-101120-183361

On y trouve notamment :

Les 5 conseils de base de Netecoute pour protéger les jeunes internautes et à transmettre

- Mettre son compte en mode privé

- Discuter par messages seulement avec ses amis

- Fermer les commentaires, du moins aux utilisateurs inconnus

- Restreindre la durée d’utilisation du réseau avec un code secret

- Activer le mode restreint : pour ne pas être exposé à des vidéos au contenu sensible

Éléments à aborder sur les réseaux sociaux pour ne pas perdre de vue l’essentiel :

a) Ne pas confondre contenant (support) et contenu (publications)

Ce ne sont pas les réseaux sociaux qui ont provoqué l’assassinat de Samuel Paty, mais les messages appelant à la haine et à l’intolérance qui y ont été postés. Quand le doigt montre la lune, …

b) Les règles légales

Les réseaux sociaux sont en principe interdits aux moins de 13 ans et pour certains au moins de 16 ans (Whatsapp notamment). De toutes façons, pour un mineur, l’accord parental est implicite, et la responsabilité des parents sera recherchée en cas d’infraction caractérisée avec les conséquences légales très graves que cela peut avoir.  L’École est en droit de prendre des mesures pour protéger la communauté d’actes délictueux comme la communication sans consentement de photos ou vidéos privées d’autres personnes, notamment à l’École mais aussi en dehors. Rappelons qu’un élève de cinquième a fait l’objet d’un conseil de discipline – débouchant sur une exclusion – il y a quelques années pour avoir “streamé” un cours à l’École sur périscope (Twitter) ce qui avait entrainé des débordements et des réactions publiques de tous genres (notamment racistes et antisémites) sur ce réseau.

c) Les usages utiles (normaux et principaux) :

Les bonnes raisons de ne pas interdire les réseaux sociaux sont nombreuses, y compris à l’adolescence.

Communiquer, créer et poursuivre du lien social avec des amis réels, mais pas avec n’importe qui, sans chercher des « followers », exercer sa créativité (notamment sur Tik Tok), confronter ses idées au jugement des autres, ses créations, s’amuser et jouer, sont des activités favorisées par les réseaux sociaux.

d) Les abus et dangers :

Fake news, trolls, harcèlement, contenus complotistes ou indésirables.

Consultation compulsive des réseaux sociaux et achats impulsifs provoqués par les publicités.

Temps excessif passé à créer des contenus (selfies retouchés pour Instagram) ou à chercher ceux créés par les autres,

Fascination pour les « influencers » et importance excessive donnée aux contenus et aux audiences.

Voir et faire voir à vos ados le film « Influenceuse »  (fait pour être visionné sur votre téléphone !) centré sur les dérives provoquées par Instagram – 25 minutes et produit avec le soutien du CNC.

e) Les recommandations (voir les 5 règles ci-dessus)

S’imposer des limites de temps et d’horaires. La nuit est le pire moment pour tomber sur un Troll.
Tout ce qu’on partage sur un réseau peut se retourner contre vous, s’il tombe entre des mains malveillantes (et on ne se doute pas toujours de la facilité avec laquelle cela se produit).

f) Par réseau, quelques avertissements, informations et précautions en fonction de leurs caractéristiques :

- Instagram :

L’image (souvent de soi) est au centre, et reflète la toute puissance des modèles imaginaires sur l’esprit des adolescents. La recherche du succès, de la reconnaissance est un des éléments naturels de la construction de la personnalité, mais elle s’accompagne de la pression sociale des groupes, qui peut être toxique. Les contenus s’apparentent souvent à des publicités diverses incitant à des achats impulsifs.

- Snapchat :

L’illusion de la futilité et de l’éphémère, qui n’en est pas, est à la base des risques inhérents à Snapchat, ainsi que l’extrême jeunesse de ses utilisateurs, l’anonymat, et toujours la recherche des « followers ». Voir le film de l’article du Figaro.

- Tik Tok :

C’est le réseau des collégiens par excellence !  Le niveau moyen des contenus est assez effrayant par sa vulgarité, mais suit un algorithme particulier, tous les contenus sont publics pour tout le monde, et il existe cependant des contenus très travaillés et artistiques dans un mer de blagues potaches ; depuis que Tik Tok est la cible de Donald Trump, et pas pour les raisons qu’il invoque, on découvre aussi la puissance politique, sociale et humoristique de ce réseau.

- Twitter :

C’est la tribune mondiale qui s’enflamme, s’insulte, et où les échanges sont les plus violents. Sur Twitter, il y a toujours un troll derrière la porte ou la fenêtre. Pourtant, c’est là qu’on peut s’informer sur tout en direct. Conseil de base : ne jamais réagir en direct dans une conversation, sans avoir réfléchi à qui on s’adresse, et ne jamais publier sans être certain de pouvoir assumer le contenu qu’on aura mûrement réfléchi.

- Whatsapp :

Il faut se poser la question de la nécessité (pas seulement de l’utilité) de rejoindre un groupe, et encore plus d’en créer un, notamment s’il contient plus de dix personnes. Plus un groupe est nombreux, plus il est nécessaire de le modérer, de façon organisée et professionnelle. Cela pourrait être l’occasion de l’apprentissage d’une mission éducative par nos jeunes adolescents, mais cela ne peut pas être pris à la légère.

A ce titre, il est clair que les groupes de classe, ou pire, les groupes de niveau, sont des sources potentielles de dérapages et de risques incontrôlés en l’absence de modération.

Whatsapp est un excellent outil de messagerie instantanée et sécurisé entre proches, mais un très mauvais outil de communication pour des groupes nombreux, à bannir dans ce contexte a priori.

La jurisprudence considère que des messages publiés sur des groupes nombreux (plus de quelques dizaines de personnes, avec une appréciation au cas par cas) sont des messages publics, non protégés au titre de la protection de la vie privée, et qu’un tiers (par exemple un employeur) peut les utiliser pour agir en justice s’il estime être lésé au sein du groupe par ces propos ou publications, même s’ils ne lui sont pas destinés.

On notera au passage l’essaimage d’une partie des utilisateurs vers d’autres messageries privées, comme Signal, qui présente les mêmes fonctionnalités et propose une meilleure protection des données personnelle que la maison mère Facebook (propriétaire de Whatsapp et Instagram)

- Discord :

Ce réseau peu connu des adultes en dehors de la communauté des « gamers » et des geeks, permet de nombreux paramétrages des « salons » de discussion, et le partage de contenus très riches ; à l’origine il a été développé pour les joueurs de jeux vidéo en ligne.

Bien utilisé, bien paramétré, c’est parmi les meilleures plateformes techniques permettant d’échanger à plusieurs, et Discord s’est récemment fait une place de choix dans les outils éducatifs de plateformes de communication à distance pendant le confinement. La qualité du son y est excellente, même avec de très nombreux utilisateurs, la communication vocale (en mode conférence téléphonique massive assortie d’échanges de fichiers, documents divers) domine sur la visioconférence qui reste ponctuelle et exceptionnelle.

Des avertissements du ministère et des rectorats sur le manque de respect du RGPD et les dérives possibles de cette plateforme sur le respect de la vie privée, l’ont fait exclure officiellement des outils à utiliser dans l’enseignement, mais les autres outils de visioconférence les plus connus, (Zoom, Teams, Whatsapp, etc), ne font guère mieux. Le trolling anonyme fait partie des risques qui viennent de l’utilisation d’invitations via des liens qui peuvent être retransmis à l’infini, souvent provoqués par un paramétrage négligent des  réunions (appelés salons dans Discord) et des rôles invités (quelque chose comme le « zoombombing » sur Zoom).

Bien sûr, la communauté des gamers n’est pas en odeur de sainteté et Discord, tout comme Twitch, souffre de cette parentèle. La gestion des rôles et des groupes sur Discord, très fine, permet beaucoup d’avantages (contrôle, privacité) et d’éviter ces risques tout en pouvant entraîner des dérives (exclusion, sélectivité).

g) La vie réelle 

Les réseaux ne font qu’amplifier dans le temps et l’espace, et surtout rendre permanentes (H24, 7/7 mais aussi pour le futur pendant toute la vie) les interactions sociales, les opinions, les paroles, les gestes et images personnelles avec ce qu’elles ont de positif et négatif, voire toxique (cf Samuel Paty).

Si certains enfants ou adolescents trouvent du plaisir à provoquer, à choquer, à agresser leurs camarades (avec en prime le confort et la sécurité que procure la sensation d’être dissimulé derrière un pseudonyme ou un groupe sur un réseau social), c’est à la base un souci éducatif qui ne fait que révéler un mal être, un besoin d’attention, une souffrance, phénomènes propres à l’adolescence qui existaient bien avant l’arrivée d’internet :

On relira le roman « la Guerre des Boutons » (1912) de Louis Pergaud, qui décrit sans fard la rivalité et la cruauté de groupes d’enfants (CM2) en milieu scolaire, pour comprendre qu’il n’y a rien de nouveau dans les motivations de ces dérives, ni dans l’âge où elles surviennent. La conclusion de ce roman, « Dire que, quand nous serons grands, nous serons peut-être aussi bêtes qu’eux » est toujours d’actualité et doit nous pousser à réfléchir sur les modèles que les adultes proposent aux jeunes enfants, notamment dans l’usage des réseaux sociaux, et de nous demander si ce que nous voyons et provoquons chez nos enfants n’est pas en partie le miroir déformant de nos propres défauts et excès.

La nouveauté radicale des réseaux sociaux qu’il faut assimiler et faire assimiler, est qu’il faut utiliser les réseaux avec la conscience qu’aucun contenu n’est vraiment privé, à partir du moment où on décide de le partager. On publie = on rend public, et c’est pour tout le monde et pour toujours ; même si ça n’intéresse pas grand monde aujourd’hui, lorsque demain, dans une semaine, dans six mois, et surtout dans dix ans, ce contenu deviendra intéressant pour une raison insoupçonnable aujourd’hui, un de ses destinataires verra l’intérêt de le republier, et il faut dès aujourd’hui évaluer son potentiel et se dire qu’on sera capable de l’assumer, d’en être fier, même dans dix ans et plus.

Un roman à recommander à vos ados sur le sujet :

Elle a menti pour les ailes de Francesca Serra

https://www.lemonde.fr/livres/article/2020/08/22/elle-a-menti-pour-les-ailes-de-francesca-serra-disparition-d-une-jeune-fille-connectee_6049662_3260.html

L’association e-enfance

https://www.e-enfance.org/

Le film Influenceuse (mentionné dans cet article au sujet d’Instagram)

https://youtu.be/utkuLf8mE6k

Etienne Li

 

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